Sunday, October 16, 2005

Cinéma De La Cruauté: "Caché" de Michael Haneke

Si vous croyez que c'est dans les films populaires comme Sin City des Rodriguez et Miller que se retrouve la cruauté cinéphilique (ces magnats ne savent même pas qu'à se retrouver les membres coupés, on s'évanouit très vite du bout de son sang, bien avant le temps d'être dévoré par un animal), et bien détrompez-vous: vous la retrouverez dans un film de Michael Haneke.


Non mais: vous avez vu l'affiche de ce film?
Une simple giclée de sang, qui se figera
longtemps dans votre tête.



La cruauté, chez Haneke, prends plusieurs formes:
cruauté des protagonistes, cruauté de l'image,
cruauté des événements politiques que le film
dépeint en sourdine et, surtout, cruauté
du cinéaste envers le spectateur, qui se joue bien
de l'emmener dans des dédales où rien ne sera dévoilé,
comme lorsque l'on nous déplace dans un kidnapping avec
une cagoule sur la tête.



Mais où sommes-nous, exactement, avec ce film?


Il fut un temps où la seule question que l'on
devait se poser en regardant un film "standard"
(narratif), c'était de bien délimiter les terrains
du documentaire et de la fiction.


Aujourd'hui, les choses ne sont pas aussi simple.
On doit se demander si, finalement, ce qui est montré
n'est pas secondaire à ce qui constitue une exploration
formelle du cinéma. Un usage purement métaphorique
des outils qui le voit naître. Filmer non pas
pour vous raconter une histoire, mais pour
vous parler de cinéma, et de la façon dont celui
ci offre des opportunités de décortiquer
des troubles du langage, ou de cerner des problèmes
philosophiques ou socio-politiques plus large.


Le cinéma en tant qu'objet, ou plutôt
(on ne parle quand même pas
de "Moth Light" de Stan Brakahage),
la structure de celui-ci comme
fin en soi: "cinema's for cinema's sake".


Haneke ne cesse de raconter que son film
traite de la "manipulation de l'image".

Soit. Dans ce sens, on pourrait
autant parler du prisme à suspens
que constituait le film "Wavelength",
de Michael Snow.



Qui nous manipule exactement ?

Le cinéaste ? En nous entraînant dans
un film sans issue où la trame narrative
est utilisée afin de signaler à quel
point notre inefficacité à prendre
recul sur ce qui nous est montré n'a
d'égal que la façon dont les protagonistes
embriquent leur fausses conclusions?


Où y a t'il véritablement un ennemi caché,
un monstre d'une cruauté inimaginable
qui tire des ficelles pour créer des
zizanies dangeureuses?

Faut-il chercher à dénouer ce puzzle,
comme dans le cas d'un film de David Lynch (dont
Haneke emprunte une formule), où vaut-il
mieux battre en retrait en acceptant la leçon
qu'Haneke tente de nous enseigner "à travers le cinéma"?


Je reste confus sur le sujet.


Certains critiques prétendent qu'il y a effectivement
des "moments cachés" dans l'intrigue qui voilent
le dénouement (la compréhension) de l'histoire.

Des dessins d'enfant, des discussion enterrées,
des objets révélateurs, vous prenez les éléments
qui vous conviennent et en faites ce que vous voulez.
Où vous opter pour la solution banale du mensonge
(si le "cinéma ment" (Haneke), alors les personnages peuvent
le faire tout autant). Où vous douter comme moi qu'il
y a un être invisible (le cinéaste lui-même),
qui prends un plaisir macabre à sabrer dans
la psychologie de ces personnages en
quête de soulagements (être diégétique, ou
"oeil divin" proactif forcant des destins à
s'entrecroiser: vous décidez).



Le cinéaste fut déçu (pauvre bonhomme) de ne pas avoir
gagné la palme d'or pour ce film, mais donnons-lui
raison: le film, d'une mise-en-scène ciselée à souhait,
pose mieux les enjeux du cinéma actuel, qui en est vraiment
à l'étape de se regarder le nombril (pour ainsi dire*).


Un film "plus intéressant à faire qu'à regarder" (dixit Haneke) ?
Ce qui pourrait être un autre indice que ce film s'active
dans ces derniers instants comme un virus déjouant les gouffres du thriller psychologique auquel cher spectateur, vous vous être trop souvent entiché.


Peut-être aller vous, comme Georges, commettre l'erreur
de tirer vos propres conclusions....



Cedric Caspesyan
centiment@hotmail.com




*(je parle ici d'un cinéma narratif en retard de 60
ans sur le cinéma expérimental, mais je crois que l'on
s'est compris)


ADDENDUM: quelqu'un m'a parlé ce matin
(suivant l'article) de la relation étrange
entre Anne et Pierre (copain de famille)
et de l'ampleur de la réaction du fils
d'Anne et de Georges. Peut-être y a t'il
une piste ? Peut-être ne suis-je tout simplement
pas assez intelligent pour comprendre ce film ?
(moi, expert en décorticage des symboles
utilisé par Lynch). Reste les livres sans titres
de la salle de télévision, match graphique
sur ceux de l'appartement de Georges,
et l'image finale de l'école (prise vidéo
ou non, on ne le saura pas) qui définit amplement
l'importance du thème de l'éducation dans ce film.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home